Une histoire en apparence légère, mais qui dénonce de nombreuses problématiques actuelles : harcèlement, violence de genre, notre façon d'appréhender l'adolescence, l'envahissement des technologies, etc.
Une très belle justesse autant dans la dramaturgie que dans le jeu.
Pour l’anecdote, j'ai mis du temps à réaliser qu’en réalité il n’y avait aucun robot sur scène.
A la fois sensible et drôle, Joël Pommerat nous plonge dans l’enfance, la construction de soi qu’il oppose à l’artificielle. Ce spectacle nous questionne sur l’apparence, l’identité, le genre, les émotions et pointe du doigt des problématiques telles que le harcèlement, le patriarcat, les normes sociales, tout cela au travers d’une forme « intime » : le quotidien d’un groupe d’adolescent.
Il est d’autant plus impactant que tous les rôles sont joués par des jeunes filles. Tout au long du spectacle, elles jouent avec le changement d’apparence, nous sommes donc troublés par les différents rôles robot/personne qui sont parfois joués par les mêmes actrices. Un réel travail du mouvement et de la diction qui m’a mis le doute jusqu’à la fin.
La question du genre est de ce fait très présente. La scène du "stage de virilité" est l'une des plus percutantes. La majorité des garçons vont tenter de prouver leur virilité et de rallier dans leur "camp" la seule personne ne se sentant pas correspondre à ces critères.
Une scénographie assez neutre, mais suffisante pour nous plonger dans cette lutte que mène ces adolescents pour affirmer leur identité.
Françoise Dolto:
« Les homards, quand ils changent de carapace, perdent d’abord l’ancienne et restent sans défense, le temps d’en fabriquer une nouvelle. Pendant ce temps-là, ils sont très en dan-ger. Pour les adolescents, c’est un peu la même chose. Et fabriquer une nouvelle carapace coûte tant de larmes et de sueurs que c’est un peu comme si on la “suintait”. Dans les pa-rages d’un homard sans protection, il y a presque toujours un congre qui guette, prêt à le dévorer. L’adolescence, c’est le drame du homard ! Notre congre à nous, c’est tout ce qui nous menace, à l’intérieur de soi et à l’extérieur, et à quoi bien souvent on ne pense pas. »
Paroles pour adolescents ou Le complexe du homard, Collection Folio Junior, Gallimard Jeunesse, 1999.
Une quête identitaire
Le complexe du homard.
« Tu seras viril mon kid, je n'veux voir aucune larme glisser
Sur cette gueule héroïque et ce corps tout sculpté
Pour atteindre des sommets fantastiques que seule une rêverie pourrait surpasser
Tu seras viril mon kid, je n'veux voir aucune once féminine... »
« La séparation du monde entre deux catégories, hommes et femmes concerne cette période de l’adolescence, c’est là où les injonctions sont formulées de manière directe et franche. Il y a quelque chose de l’ordre du combat pour tenter de ressembler ou de se différencier. C’est une lutte intérieure pour ces jeunes » Joël Pommerat
- Construction identitaire - Contes et Légendes nous parle de cette étape houleuse qu'est l'adolescence.
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Her - Par Spike Jonze
« Tu sera viril mon kid » : un père (ou bien une mère) qui s'adresse à son fils lui indiquant le bon comportement à avoir et qui exclu tout ce qui pourrait se rapporter au féminin et qui serait considéré comme honteux selon lui/elle.
Les paroles font écho à ce que dénonce la pièce de Joël Pommerat. Une volonté de se débarrasser des codes qui sont inculqués dès le plus jeune âge. C'est à l'adolescence qu'on se construit et que sont intégrés des stéréotypes de genre bien encore présent aujourd'hui.
Contes et légendes - Mis en scène par Joël Pommerat
Ce film sorti en 2013 se passe dans un futur devenu proche : 2025.
Théodore, joué par Joaquin Phoenix, a pour métier d'écrire des lettres émouvantes via ordinateur que lui commande des utilisateurs pour leurs proches. Les personnes ne font plus l'effort d'écrire avec ce qu'ils ressentent, mais font appel à une personne externe via internet.
Le film raconte une histoire d'amour entre Théodore et Samantha, une OS (système d'exploitation) doté d'une intelligence artificielle. Cette dernière sera présente dans le quotidien de Théodore et va évoluer à ses côtés. Ses réflexions seront de plus en plus humaines, ce qui entraine Théodore à développer des sentiments pour Samantha. L'intelligence de Samantha se développe et celle-ci est amenée à se questionner sur sa propre existence et son enveloppe non humaine.
Le film montre la beauté des inventions numériques, mais surtout la fragilisation des relations humaines dû à l'envahissement de cette technologie dans notre quotidien.
Tout comme « Contes et Légendes » il y a donc cette notion d'humanisation d'androïde qu'on intègre à nos vies face à une société qui se déshumanise petit à petit.